1 319 : c’est le nombre de licences 4 délivrées en France chaque année, toutes transactions confondues. Derrière ce chiffre précis, se cache une réalité complexe et souvent méconnue, l’accès à la “grande licence” ressemble moins à une formalité administrative qu’à un jeu de patience où chaque faux pas peut coûter cher. Décortiquons ce parcours, entre réglementations serrées et enjeux économiques, qui façonne le quotidien de milliers de bars et restaurants.
Licence 4 : un sésame indispensable pour ouvrir un bar ou un restaurant
Créer un bar, un restaurant ou un café ne consiste pas à lever un rideau et servir le premier client venu. Avant toute inauguration, il faut décrocher l’une des licences de débit de boissons, et la licence 4, la fameuse “grande licence”, s’impose immédiatement comme la plus convoitée. Elle seule donne le feu vert pour proposer à la consommation sur place les alcools forts : rhum, whisky, gin, vodka, liqueurs, mais aussi bière, vin, cidre ou même hydromel. Sans ce précieux sésame, impossible de servir un verre à consommer sur place, que l’on vise une adresse branchée ou l’incontournable troquet de quartier.
La licence 4 concerne uniquement les débits de boissons à consommer sur place. Les restaurants bénéficient d’un régime différent, mais dès que la limite entre service de repas et de boissons s’efface, la législation impose de posséder la bonne licence. Le code distingue alors deux grandes familles d’autorisations, qu’il vaut mieux connaître avant de se lancer :
- Licences à consommer sur place : bars, cafés, pubs, brasseries
 - Licences restaurant : pour la vente de boissons alcoolisées uniquement en accompagnement d’un repas
 
Impossible d’ignorer la licence 4 pour exercer dans ce secteur. Sa distribution est strictement encadrée : depuis 2006, il n’y a plus de création de nouvelles “IV”. Cette limitation aiguise les appétits, raréfie l’offre et fait grimper la valeur des licences existantes. Résultat : acquisition, transmission ou location deviennent des enjeux majeurs, surtout dans les grandes métropoles. La réglementation ne vise pas seulement à limiter la consommation d’alcool ; elle structure aussi la concurrence et protège la santé publique, tout en évitant une surenchère entre établissements.
À quelles conditions peut-on obtenir une licence 4 en France ?
Obtenir une licence 4 en France ne s’improvise pas. Plusieurs critères personnels sont à remplir : être majeur, ne pas être sous tutelle, avoir un casier judiciaire vierge de certaines condamnations, et, pour les personnes hors Union européenne, présenter un titre de séjour valide. Aucun mineur, même émancipé, ne peut s’engager dans cette démarche.
Autre passage obligé : la formation obligatoire débouchant sur le permis d’exploitation. Trois jours de formation (ou un jour pour les renouvellements), délivrée par un organisme habilité, couvrent la prévention de l’alcoolisme, la protection des mineurs, la gestion des nuisances et les enjeux de santé publique. Ce permis est valable dix ans. Si l’activité inclut la restauration, la formation hygiène alimentaire s’ajoute au parcours.
Depuis 2006, impossible de créer de nouvelles licences débit de boissons. Pour ouvrir un établissement, il faut acheter, transférer ou reprendre une licence déjà existante. Certains secteurs sont protégés par arrêté préfectoral : écoles, hôpitaux, lieux de culte, et d’autres encore. Il est donc indispensable de vérifier ces restrictions auprès de la mairie ou de la CCI.
Pour clarifier les démarches à suivre, voici les étapes principales pour obtenir une licence 4 :
- Remplir le formulaire Cerfa adapté et le déposer en mairie
 - Déclarer l’ouverture au moins quinze jours avant le lancement de l’activité
 - Se rapprocher de la CCI (notamment la CCI Paris pour la capitale) afin de bénéficier d’une aide personnalisée
 
La question du financement n’est jamais anodine : acquérir une licence 4 nécessite souvent des dizaines de milliers d’euros, surtout en zone urbaine. Ce montant reflète la rareté de la licence et la valeur économique qu’elle représente.
Procédures, démarches et points de vigilance pour acquérir une licence 4
Mettre la main sur une licence 4 exige de composer avec un marché limité. Depuis 2006, une règle s’impose : aucune création nouvelle. Seuls l’achat, le transfert ou la mutation d’une licence existante permettent d’avancer. Les prix montent en flèche dans les grandes villes comme Paris, Bordeaux ou Saint-Denis, où une licence IV peut dépasser les 50 000 euros, selon l’emplacement et le potentiel commercial.
Avant de s’engager dans une transaction, plusieurs vérifications s’imposent :
- S’assurer que la licence a une origine claire et que son exploitation antérieure est régulière
 - Vérifier qu’aucune procédure n’est en cours (fermeture administrative, contentieux, etc.)
 - Comprendre la distinction entre mutation (changement d’exploitant au même endroit) et transfert (déplacement dans une commune du même département, sous réserve du respect des distances avec les établissements protégés)
 - Se renseigner sur les règles spécifiques applicables dans certaines zones rurales ou touristiques, parfois assouplies pour encourager l’activité locale
 
Administrativement, le dépôt du formulaire Cerfa n°11542 ou n°11543 en mairie doit être réalisé au moins quinze jours avant l’ouverture du débit de boissons. L’aide d’un notaire ou d’un avocat spécialisé peut éviter bien des écueils. Les CCI et les réseaux professionnels sont également des alliés précieux pour dénicher les opportunités fiables.
Un point clé ne doit pas être négligé : une licence inutilisée pendant trois ans est automatiquement annulée. Même effet en cas de fermeture administrative ou judiciaire. Une licence laissée à l’abandon disparaît donc purement et simplement du paysage.
Choisir le bon statut juridique et respecter les obligations légales : les clés d’une exploitation sereine
Au moment de lancer un débit de boissons, la question du statut juridique doit être résolue sans tarder. SAS, SARL ou entreprise individuelle ? Ce choix conditionne la répartition des responsabilités, la fiscalité, la couverture sociale et l’enregistrement au RCS. Les entrepreneurs cherchant la flexibilité et l’accueil d’associés optent souvent pour la SAS, tandis que les projets plus simples privilégient la facilité de gestion.
Côté réglementaire, le cadre français ne laisse rien au hasard : toute ouverture ou mutation suppose l’obtention du permis d’exploitation après une formation dispensée par un organisme agréé. Cette formation, d’une durée de 20 heures pour les débutants, aborde la réglementation sur la vente d’alcool, la prévention des risques, la protection des zones protégées et la gestion de la présence de mineurs. Les repreneurs proposant de la restauration doivent également suivre une formation hygiène (HACCP), sous peine de sanction immédiate.
La moindre négligence peut coûter cher : amende conséquente, voire poursuites pénales. Les établissements recevant du public (ERP) doivent aussi répondre à des exigences strictes : accessibilité, sécurité incendie, respect des normes… Toute la réglementation forme la colonne vertébrale de l’exploitation de débit de boissons. Mieux vaut l’intégrer dès le départ : investir du temps dans la conformité évite de nombreux écueils.
Ouvrir un bar, ou un restaurant avec licence 4, n’a rien d’un simple pari. C’est un parcours à étapes, où chaque validation mène à la suivante, jusqu’à transformer le lieu en espace vivant, conforme et durable. Dans ce secteur, la vraie réussite se construit autant sur la rigueur réglementaire que sur l’envie de voir la salle vibrer, du premier service matinal au dernier verre du soir.

